FOLLETT Ken, Le pays de
la liberté, Editions Laffont, 1996
L'action
se passe dans la société anglaise du XVIII ième siècle.
Dans
ce décors typique de romance, vivent Mack et Lizzie, les deux
personnages principaux. Celui-ci est mineur, condamné à la
servitude ; celle-là est l'épouse d'un des fils du maître,
déterminée à bousculer les moeurs et traditions.
Vous
l'aurez compris, vu le genre du livre, il sera question de l'histoire
d'amour de ces deux jeunes gens issus de classes sociales
différentes. Arriveront-ils à atteindre le happy end
tant recherché? Car bien entendu, de nombreux obstacles se dressent
contre leur union. Pour trouver le bonheur, il leur faudra défier la
fatalité et forcer le destin...
Ce
roman avait tout pour me plaire : une histoire à l'eau de rose, sous
l'Empire britannique à son apogée, des barrières sociales
infranchissables, un amour presque inattendu et plus fort que tout...
Pourtant, le livre refermé, il ne me reste plus rien de ma lecture à
part peut-être énormément de déception.
Tout
d'abord, rien qu'à travers les mots, on se rend vite compte que
l'auteur vit au XXI ième siècle. En effet, le cadre n'est pas
crédible, il y a des anachronismes, des événements
invraisemblables, des personnages incohérents aux moeurs de
l'époque...et l'énumération peut continuer sur cinq lignes ainsi.
L'écrivain a commis trop de petites fautes un peu partout ; cela
n'altère pas le récit en lui-même mais gâche tout simplement la
lecture.
Ensuite,
le découpage de l'action est presque enfantin : trois parties
d'environ un tiers du livre chaque, se déroulant chacune dans un
lieu déterminé par le sous-titre. L'Ecosse, Londres et la Virginie.
Trois lieux où à chaque fois les deux héros s'y retrouvent par
hasard. Les coïncidences sont nécessaires pour réunir deux
personnes opposées, alors le lecteur ne s'en étonne pas, d'autant
plus que ces rencontres auraient très bien pu arriver dans la
réalité. Cependant, il est dommage que les personnages ne voyagent
pas entre ces différents lieux : ils y sont, y vivent, y restent
puis passent au suivant ; jamais ils retournent au précédant pour
revenir et puis repartir. Ce découpage est semblable à celui d'une
pièce de théâtre. Un acte, un décors ; rien de plus complexe.
Par
contre, ce qui dérange, c'est cette attirance l'un envers l'autre
sans justification. La société a instauré des règles pour
contenir les comportements humains déplacés et dans le livre,
personne ne veut les respecter. D'après moi, un livre est un
divertissement mais aussi un support pour donner une leçon de vie.
Est-ce ce que l'auteur cherche à nous dire? Vivez comme bon vous
semble, oubliez toutes les conséquences, maudissez toute morale pour
atteindre votre propre plaisir? Cela m'étonnerait fortement, et si
c'était le cas, il faudrait éloigner les jeunes lecteurs de ce
livre qui véhicule des valeurs contraires à la morale. Disons donc
que l'auteur ici pense écrire un livre destiné à être lu, une ou
plusieurs fois, mais pas plus, sans réellement s'attarder sur un
« qu'est-ce que cela cache? Qu'est-ce que cela peut bien
vouloir dire? »
Il
ne faut pas avoir énormément de culture pour pouvoir apprécier ce
roman qui ne peut être désigné de « littérature ». En
effet, le public à qui est destiné ce livre n'est pas une élite,
un lectorimat averti et critique, doté de plus d'un esprit d'analyse
aiguisé ; c'est le lecteur moyen, celui qui lit pour son plaisir,
sans rechercher de pistes de réflexion à travers le roman qu'il
tient entre les mains. Et la langue utilisée par l'auteur le prouve
; un niveau de langue courant, pas ou peu de figures de style, pas de
procédé narratif remarquable, descriptions fort limitatives ...
Il
est évident que lorsqu'une personne écrit, elle met une partie
d'elle-même dans ses compositions. Le plus souvent, les personnages
principaux incarnent ce que cette personne aurait voulu être, un peu
comme une projection de soi dans un corps fictif. Ici, les milieux
sociaux d'où proviennent respectivement Lizzie et Mack indique que
l'auteur du roman est un auteur masculin. Les histoires d'amour qui
sont écrites ont pour rôle premier de faire rêver le lecteur, et
plus généralement la lectrice. Quelle jeune fille aisée rêve
d'épouser un homme sans place dans le monde? Mais quel jeune homme
ouvrier ne désire pas épouser une dame? On constate alors que
l'auteur du roman est psychologiquement plus proche de Mack que de
Lizzie ; tandis que moi, jeune lectrice, je chercherais plutôt à
m'identifier à la jeune fille roman. Pourtant rien en elle ne me
rappelle moi-même.
D'autant
plus que ces deux personnages ne sont pas sur le même pied
d'égalité. Le véritable héros, dans le sens premier de terme, du
roman est sans conteste Mack. En effet, lui seul agit contre les
évènements ; il a la volonté de changer le monde, il se bat pour
défendre ses idées, sans oublier qu'il est grand, beau garçon,
fort ( son métier mineur n'est pas à oublier) et « intelligent »
car il sait lire et écrire, ce qui n'est pas le cas de tous les
hommes de sa condition. Il est de plus protégé en quelque sorte par
une force divine puisqu'il s'échappe et survit à tous les malheurs
rencontrés ; alors que Lizzie, elle, n'agit pas réellement sur sa
vie et elle ne contrôle rien. Elle aussi rêve de liberté mais elle
ne possède pas une force d'esprit assez grande pour pouvoir
l'atteindre. Elle a besoin qu'on lui donne les moyens pour oser
imaginer ce concept, et toujours elle hésite quant au chemin qu'elle
doit emprunter.
Par
ailleurs, le personnage de Mack ne m'inspire pas confiance. A la
place de Lizzie je me méfierai de ce jeune homme qui n'a pas hésité
à la courtiser et même aller au-delà de la simple séduction,
alors qu'il savait pertinemment qu'elle était mariée, qui plus est
à son « maître ». Rien que dans le livre, il a connu
trois femmes différentes ; une à chaque lieu où il se rend. Sa
cousine dans son village en Ecosse, une fausse prostituée à Londre,
et enfin, la pauvre et fragile Lizzie en Virginie. Les deux première
se sont mariées après qu'il les « a abandonnées »,
quant à la troisième, elle était mariée avant son entrée dans
sa vie. Peut-on prévoir, qu'un jour, il l'abandonne à son tour pour
une autre femme? Pire encore, pour une femme de classe moins élevée
qu'elle? Si ce jour-là arrivait, elle seule pourrait se blâmer.
Enfin,
ce roman ne mérite pas d'être classé dans la catégorie
« romantique » car seule la différence sociale qui
séparent les deux personnages principaux tout en les réunissant est
un élément romantique. En effet, le récit n'est pas embelli, car
il est par moment trop réaliste, et trop trivial ; notamment
lorsqu'il peint des scènes de travail ou de sexe.
Pour
conclure, Ken Follett a peut-être écrit un récit original et
nouveau, mais en sortant de cette conformité, il ne réussit pas à
plaire à tous le monde. Ce roman qui se veut différent dérange par
trop de petits détails impossibles, et ses personnages peu
représentatifs de la société. Le lecteur amateur de romans
sentimentaux ne découvrira ni une passion magique ni une myriade
d'émotions.
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