Midnight
in Paris de Woody Allen.
Avec
Marion Cotillard, Carla Bruni, Gad Elmaleh, Owen Wilson, Rachel Mc
Adams, Kathy Bates et Adrien Brody
Date
de sortie : 15 juin 2011
Après
la projection du film en ouverture du Festival de Cannes 2011, les
réactions de la presse furent unanimes : Woody Allen en déclarant
son amour réalisait l'un de ses meilleurs films, et retrouvait la
légèreté, l'originalité et le côté fantasque de La
rose pourpre du Caire.
Gil
et Ines, en voyage à Paris peu avant leur mariage, ne vivent pas la
Ville lumière de la même façon. Ines court avec sa mère les
magasins de luxe, les expositions à la mode et les cocktails
mondains. Gil, scénariste hollywoodien, se balade la nuit féérique,
rêve d'écrire enfin un roman et de se perdre dans le Paris des
années folles. Dans les fantasmes de ses déambulations nocturne, il
rencontre mille figures artistiques plus éclatantes les unes que les
autres, du couple Fitzgerald à Cole Porter, de Picasso à Braque, de
Cocteau à Bunuel en passant par Hemingway et Gertrud Stein. Autant
de clins d'oeil cinéphilo-parisiens.
Paris,
grande histoire d'amour pour Woody Allen qui y écrivit son premier
scénario, n'est pas dans ce film un cliché pour cinéma de carte
postale. Paris est une fête, et le film une belle réflexion sur ce
que le rêve offre comme échappatoire à la réalité.
Source:
Le journal des cinémas Grignoux
Nos 202 et 203 ( du 18 mai au 6 septembre 2011 )
L'été
arrive avec ses sorties de films médiocres ( cette année,
l'hypermédiatisé Harry Potter,
le loufoque Les Schtoumpfs
et les images qui ne font que bouger de Green lanterne
). Alors pour occuper ces deux longs mois de vacances et profiter
d'un bon film, il ne reste plus qu'à se tourner vers des salles plus
petites qui proposent des rediffusions de ses coups de coeur de
l'année. Outre les petits prix pratiqués ( jusqu'à deux fois moins
cher que les grandes salles ), elles offrent un service de qualité
et une sélection souvent intéressante.
Midnight
in Paris c'est une invitation
d'embarquer avec Gil, le personnage principal, dans un Paris
différent de celui dont on a l'habitude . C'est aussi un voyage dans
le temps, dans les «twenties», pendant quelques heures. Ouvrez
grands les yeux et soyez émerveillés devant la magie que renferme
la ville lumière.
Le
film commence avec une série de cartes postales de la ville. Nous
voyons défiler devant nous des images clichés de la capitale
française : la tour Eiffel, les Champs Elisés et l'arc de Triomphe,
Saint-Michel et la cathédrale de Notre-Dame, les quais de la Seine,
Pigalle et ses cabarets dont le fameux Moulin Rouge, les escaliers de
Montmartre et le Sacré Coeur, et bien d'autres quartiers et
monuments qu'aussi bien les Parisiens que les amoureux de la ville
pourront reconnaître. Et si vous vous lanciez le défi d'identifier
toutes les images ? Parviendriez-vous à associer un nom à tout ce
que vous voyez ?
Ensuite,
nous rencontrons enfin Gil et Ines. Le cadre est somptueux : le
bassin aux Nymphéas, le modèle à l'impressionnant tableau de
Monnet. Ils s'embrassent. Ils n'ont échangés que quelques mots que
nous sentons déjà que le premier est fou de la ville tandis que la
deuxième n'y voit qu'une place tellement semblable tant à d'autres.
Chacun semble imaginer qu'il vit le parfait amour, ils vont
d'ailleurs se marier bientôt, et pourtant, ce voyage en France va
faire ressortir leurs différences et leur permettre de mieux se
connaître, mais à quel prix?
Dès
le moment où nous apercevons les parents de la jeune femme, plus
aucun doute n'est permis quant au milieu duquel elle vient. Hôtel
somptueux, restaurants chics, vêtements de marque, bijoux... Elle
est issue d'un milieu aisé et elle le montre, contrairement à son
fiancé qui lui est mal à l'aise devant une telle luxure. Ses amis
lui ressemblent. Paul, lui aussi en visite à Paris ne comprend pas
le charme des flâneries dans la ville, préférant les visites
culturelles ( musées, châteaux , statues et monuments ), occasions
pour lui d'étaler son savoir pas toujours exact, ce qui lui vaudra
le qualificatif de pedantic ( pédant ). Même s'il est marié,
Ines est inconsciemment attirée par cet homme qui n'attire pas la
sympathie du spectateur. Elle hésite entre lui et Gil qui n'a pas
l'air de partager ses centres d'intérêt ( il déteste le shopping,
notamment ).
Elle
n'accorde pas d'importance à la mise en garde de son petit ami et
choisit de s'amuser plutôt que de penser. Naïve et insouciante,
cette jeune femme veut laisser libre cours à ses envies et ne voit
pas arriver les événements fâcheux et prévisibles si elle s'était
la peine d'ouvrir ses yeux et son cœur, car d'après tout on ne voit
jamais aussi bien qu'avec le cœur. Partagée, elle ne comprend pas
qu'elle doit faire un choix entre deux hommes, tous deux aussi
importants à ses yeux.
Choisir
n'est jamais facile car choisir c'est avant tout exclure, ou bien
mettre de côté. Les conséquences seront douloureuses, au moins
pour une personne et c'est pourquoi on n'est jamais prêt pour cela.
Aussi, assumer ses actes et ses décisions demande beaucoup de
courage. Et si Gil trouvera de la force grâce à des amis inattendus
et des conseils de sage ; Ines, elle, est restée une petite fille
trop gâtée par le passé et agit en espérant que des personnes sur
lesquelles elle compte seront derrière elle pour la soutenir et la
rattraper.
Ce
film se veut avant tout magique et féérique. Si le cadre de la
ville de Paris, mythique et charmante correspond bien, c'est grâce
à l'image que le cinéma en général en donne. Mais qui dit
enchantement dit minuit. C'est seulement la nuit, lorsque les enfants
sont couchés et les fêtards sortis qu'arrivent des évènements
inattendus et incroyables. Au douzième coup de minuit, et pas avant,
tous les rêves peuvent se réaliser et ainsi devenir réalité.
Emmené par une drôle de voiture à travers le temps, Gil,
découvrira le temps de quelques heures une nouvelle ville. Envolé,
le Paris de la journée à la fois moderne et bruyante, laissant
place au bonheur des années folles.
Au
milieu des cafés parisiens, fêtes populaires, bals et réceptions
vivent des personnages aujourd'hui légendaires. Un des premiers à
qui le jeune homme parle est ni plus ni moins le célèbre écrivain
Ernest Hemingway. Son auteur préféré, à qui il voue un culte
inestimable, n'a à cette époque écrit qu'un seul roman mais il
possède déjà son esprit critique, vif et fort de caractère. Bien
qu'il dit refuser d'aider Gil avec son roman, et les raisons qu'il
évoque dans le film sont tellement justes que le spectateur se
sentirait presque gêné de ses pensées, il lui apporte énormément
de soutient tant au niveau moral que littéraire à proprement parler
; n'oublions pas non plus sa logique implacable qui permet au jeune
écrivain de comprendre la vérité au sujet de son couple.
Cela
fait trois mois que j'ai vu Midnight in Paris et que j'ai
commencé à écrire ce commentaire. Les jours passaient et le temps
me manquait. Pourtant bien décidée à ne pas laisser un écrit
inachevé, je reprends mon document là où je l'avais suspendu avec
une certaine excitation car j'ai envie d'y apposer le point final. Il
y avait beaucoup de choses que je voulais faire remarquer et
décortiquer brièvement ; malheureusement, les images dans ma tête,
bien qu'inoubliables sont devenues plus floues qu'à la sortie de la
salle de projection. Je vais essayer de décrire et de rapporter tout
ce qui m'a semblé important et qui m'a plus ou moins marquée. La
précision me manquera sans aucun doute mais la suspension de ma
rédaction apportera un point positif précieux à ce texte : seul ce
qui a survécu aux semaines se retrouvera couché sur le papier, les
éléments sans importance et secondaires se sont envolés de mon
esprit, désormais habité par les seules images que je conserverai
encore longtemps...
Dans
le salon de Gertrude Stein, Gil rencontre la splendide Adriana (
Marion Cotillard ). A l'époque maîtresse de Picasso, lequel a
réalisé son portrait aujourd'hui si célèbre, elle semble être
une femme inaccessible. Elle joue à être une femme fatale et
bientôt Gil tombe sous son charme. Leur conversation est élevée et
il est étonnant de voir comme ils s'accordent sur certains points.
Adriana ne ressemble pas du tout à Ines. Elle aime se laisser
surprendre, se laisser porter par ses pas dans Paris... Nous nous
demandons si Gil n'est pas en train de tomber amoureux d'une personne
qui n'existe pas. Leur amour n'a pas d'avenir. Ils ne viennent pas de
la même époque et chacun a sa propre existence à mener. Mais
l'amour leur fait tourner la tête, à tous les deux. Poussé par ses
sentiments, Gil profite d'une soirée où il est seul pour rejoindre
sa bien aimée avec un présent. Des boucles d'oreilles. Un étrange
carrosse s'arrête à leur niveau et les invite à monter.
Lorsqu'ils
en descendent, le cadre autour d'eux a changé, tout comme
l'atmosphère. Ils se glissent dans un cabaret. Et là, au détour
des tables ils comprennent qu'ils ont voyagé dans le temps. Ils font
la connaissance de Degas et de peintres qui lui sont contemporains.
Adriana est enchantée. Comme Gil lorsqu'il fut transporté un
demi-siècle en arrière, elle est émerveillée. Il s'agit pour
elle de la plus merveilleuse période de l'histoire , de '' la
belle époque ''.
Il
s'agit là d'une interpelante leçon de vie que nous offre Woody
Allen. En effet, quand les artistes du début du siècle affirment
que la période historique idéale est la renaissance, Gil se demande
si on n'apprécie pas uniquement ce qui est passé. Chacun des trois
personnages assis autour de la table n'est pas satisfait de son
propre présent, et chacun a un sentiment de bonheur absolu lorsque
qu'il est plongé dans le passé. Est-ce parce que nous disposons
d'un autre angle de vue plus ou moins critique? Ou est-ce parce que
nous sommes naturellement attirés par l'inaccessible? Une chose est
sûre, Adriana, tout comme Gil, fuit sa réalité. Elle se réfugie
dans un monde imaginaire accessible par son seul esprit car elle ne
veut pas faire face à ses problèmes ni les résoudre.
Le
dernier point à aborder arrive donc. Gil n'arrive pas à faire la
différence entre ce qu'il croit être la réalité et ce qui l'est
vraiment. Nous n'allons pas nous demander si chaque nuit qu'il a
passée dehors est bien réelle ou n'est qu'un rêve, ce n'est pas
important et chaque spectateur pourra l'expliquer à sa manière. Par
contre, il faut remarquer que Gil est persuadé qu'Ines est la femme
de sa vie et qu'une fois il l'a appris, il ne remettra plus cela en
question, peu importe ce qui pourra ce passer ou ce qu'il pourra
voir. Or, il s'est trompé. Ce n'est pas parce que nous pensons très
fort à une chose qu'elle est vraie ou qu'elle va le devenir. Les
erreurs de jugement peuvent avoir de lourdes conséquences si elles
ne sont pas décelées assez tôt. Que se serait-il passé si en fin
de compte il avait épousé Inès? Combien de temps vivront-ils
ensemble avant de s'apercevoir de leur erreur? Mais aussi, comment
auront-ils le courage de se l'avouer? C'est pour limiter le nombre de
catastrophes que nous avons tous des anges gardiens pour veiller sur
nous. Il peuvent nous apparaître sous différentes formes ou
personnes. Mais souvent nous leur en sommes éternellement
reconnaissant. Alors pourquoi disparaissent-ils toujours?
Enfin,
Midnight in Paris est un film sublime dont les images nous
font tourner la tête. Le romantisme n'y est pas en excès comme
certains auraient tendance à le croire. De plus, une pincée
d'humour vient compléter le tout. Entre les cartes postales, les
messages et les personnages originaux, tout les amateurs de bons
films y trouveront leur bonheur. Bref, ce film mérite toute notre
attention aujourd'hui et encore dans les années à venir... Il faut
le faire continuer à vivre sinon, il risquerait d'être oublié.
Dommage, non?
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