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samedi 25 juin 2011

Concert Frank Braley - Eric Le Sage

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9 et 10 juin 2011 : ESCAICH, Scherzo fantasque


Eric Le Sage et Frank Braley, piano
Pascal Rophé, direction
Orchestre Philarmonique de Liège


Scherzo fantasque est une oeuvre pour deux pianos et orchestre qui s'apparente à un concerto pour deux pianos, écrite par le compositeur liégeois Thierry Escaich, lequel est aussi organiste, improvisateur et professeur au conservatoire supérieur de Paris, sans oublier ses deux nominations aux victoires de la musique. Contrairement à un concerto, dans le scherzo fantasque, les pianos ne sont pas des solistes mais bien des instruments faisant partie de l'orchestre. Par ailleurs, ce n'est par un scherzo à proprement parler : la forme de cette pièce fait plutôt référence à un thème et variations.


Le concert était fantastique. Le public était nombreux et a généreusement applaudit. Le compositeur est monté alors sur la scène sous un tonnerre de félicitations, d'acclamations et d'ovations. Le sourire sur son visage parlait à lui tout seul ; pour cette première, l'oeuvre a été immédiatement appréciée par le public et certainement la par critique musicale professionnelle. Pour couronner le tout, le chef d'orchestre a décidé de rejouer la pièce une seconde fois, sur une demande tacite de la salle qui n'était pas difficile à deviner. Les artistes n'ont pas cessé de saluer après ce bis improvisé. C'est avec un petit pincement au coeur que les spectateurs se lèvent lorsque les lumières se rallument sur des visages illuminés qui ont passés une soirée exceptionnelle. Ceux qui auraient eu envie de prolonger leur soirée se seraient rendus au foyer pour peut-être avoir la chance de rencontrer et discuter avec les artistes...


J'ai eu la chance d'assister à la présentation de l'oeuvre la veille du concert. Appelées Dessous des quartes, ces séances commentées comprenant écoutes, analyses, explications, parallèles avec d'autres oeuvres, et parfois des supports vidéos, n'attirent pas beaucoup de monde alors que ces fins d'après-midi musicaux sont gratuits pour tout le monde, ce qui m'étonne à chaque fois. Les deux pianistes étaient présents et je les remercie vivement car généralement les solistes (trop) connus refusent de jouer pour ce genre de concert. En effet, ils écoutent plus qu'ils ne jouent et ils doivent jouer les extraits représentatifs de l'explication ; ce qui n'est pas toujours aussi évident qu'on s'imagine. Je me demande de plus si ils sont payés étant donné que le spectateur, lui, ne paie pas.

C'était le compositeur en personne qui commentait sa propre oeuvre. Suivant les caractères de chacun, c'est plutôt positif ou plutôt négatif. Thierry Escaich est éloquent, il parle animé par sa passion et il connait mieux que personne la partition : il est la personne la mieux placée pour l'expliquer.
J'ai appris énormément de choses grâce à son exposé.
Tout d'abord la structure du morceau. Comme je l'ai dit plus haut ce scherzo fantasque a la forme d' un thème et variations. Le thème est une mélodie simple, presque enfantine, qui se retient facilement. Pour briser cette apparente forme classique, ne pas imiter Beethoven en autres, le thème n'est pas donné d'emblée. Le morceau commence par une introduction, en fait l'ombre du thème joué par les cordes : ce sont les bons intervalles mais le rythme n'y est pas et la hauteur est différente. Très lent et piano, l'oreille avertie reconnais cette mélodie déformée. Viennent ensuite les variations. Escaich distingue trois types de variations : variation rythmique, d'ambiance et d'intervalles. Ensuite au niveau polyphonique : la sonorité est différente de ce que j'ai l'habitude d'entendre tant en musique classique que contemporaine. Je tiens à dire que je désire vivre ancrée dans ma propre époque en m'inspirant du passé. Cela peut paraître contradictoire mais assez logique en même temps.
C'est pourquoi je m'intéresse à la musique contemporaine, qui chez moi comprend Messiaen. Je n'aime pas toujours mais la plupart de temps je fais des découvertes intéressante comme aujourd'hui.

Le compositeur m'a fait sourire quand pour illustrer ces propos, il se contorsionne pour jouer au piano, puis Frank Braley qui se lève pour céder sa place mais celui-ci refuse et puis par après accepte. Ou alors, toujours au piano, il manque de doigts et c'est Frank Braley lui-même qui joue la fin de la phrase pour lui venir en aide. Enfin, Escaich qui dit qu'il n'est pas capable de jouer sa propre composition, admettant ainsi qu'elle est très difficile à jouer.


La pièce commence par l'introduction. Pour reprendre les mots du compositeur, c'est l'ombre de la mélodie. Dès les premières notes, je suis transportée au coeur de l'oeuvre. J'y resterai immergée jusqu'à la fin. Aucun besoin de sortir la tête pour prendre de l'air. J'oublie tout et me laisse voguer sur les sons...
Après résonne la mélodie-thème. Elle est jouée par les flûtes et le célesta. Le compositeur a parfaitement bien choisi ces deux instruments pour jouer une mélodie magique. J'aime beaucoup la sonorité du célesta, instrument à percussions qui ressemble au piano par sa forme et au glockenspiel par sa mécanique, mais on ne peut le comparer à proprement parler à ces deux autres instruments car le célesta est unique. Rien ne reproduit mieux l'eau ruisselante, les clochettes ou le vent. Je suis de plus ravie de remarquer que le célesta, depuis Tchaikovski et Casse Noisette, est présent dans de plus en plus d'oeuvres pour orchestre.
Le thème tourne sur lui-même, un peu comme un carrousel. Le deuxième piano reprend le thème qui ensuite voyage dans tous l'orchestre, suivant un mouvement circulaire et se déforme peu à peu pour laisser place aux différentes variations.
Toutes sont différentes et glissent l'une sur l'autre, se chevauchant presque. Il faut oublier Haendel et ses thème et variations clairement délimitées. Le travail d'un bon compositeur est de passer de l'un à l'autre via une transition qui se fond dans la pièce pour ne pas arrêter la musique.
Ensuite, tout s'enflamme ; le souffle nouveau est insufflé par les pianos comme un moteur pour la musique. Et hop, le spectateur est emporté par ce tourbillon de sons....
… Jusqu'à cette dernière note. Elle arrive comme elle doit arriver. Elle tombe d'un coup. Elle n'est pas tenue. Elle s'échappe dans la salle.
Enfin, on entend plus rien. La musique s'est évanouie dans l'air, ne laissant que des souvenirs dans les oreilles et les têtes.
Pourtant, rien n'est terminé. Aussitôt s'élève des bruits de mains qui s'entrechoquent : une pluie d'applaudissements tombe, venant de toutes les directions, s'adressant droit aux artistes du soir.



Le premier mot que j'ai prononcé à la fin du concert est « terrible », pris dans le sens laudatif du terme.
La difficulté est présente partout. Premièrement rythmiquement : le chef d'orchestre et plus généralement tous les musiciens ont fourni un travail pénible et exigent. La mesure de base est asymétrique : 8/8, 3+3+2. La mélodie prend ensuite appuis sur ce dernier temps « écourté » et la mesure se transforme peu à peu en une mesure binaire : 3\4 pendant quelques mesures (je ne suis pas capable de dire combien, en tout cas mois de cinq) pour ensuite rechanger ; et c'est ainsi pendant tout le morceau. Deuxièmement techniquement : les cordes frottées doivent jouer des grands intervalles comme des dixièmes, onzièmes et douzièmes régulièrement. Quant aux pianos, bien qu'ils ne soient pas solistes, il ne faut pas moins de technique pour réussir à jouer la partition, précisons qui a été écrite pour Eric Le Sage qui a demandé de la jouer avec Frank Braley.



Scherzo fantasque est donc une oeuvre de musique contemporaine qui mérite d'être jouée et rejouée partout dans le monde, ou du moins en Europe.


Poulenc, concerto pour deux pianos.

Frank Braley et Eric Le Sage, piano
Pascal Rophe, direction
Orchestre philarmonique de Liège

Cette pièce est sublime. Nous retrouvons une fois encore la poésie de Francis Poulenc dans ce concerto qui peut être pris comme un divertissement. Dans une atmosphère intime, reflétée par un orchestre réduit, la simplicité est maitresse.
Petite perle précieuse ou diamant de cristal de la musique est cette oeuvre imprégnée de magie.
Composé en 1932, ce concerto est un mélange de plusieurs influences : du classique comme Strauss ou Mozart, du jazz, de la musique contemporaine et musique française.
La virtuosité est sans conteste indispensable pour jouer ce concerto mais la principale difficulté est de cacher cette virtuosité. La musique de Poulenc est une musique qui apparaît simple et qui ne doit pas être exhibée. Elle se mérite. Elle est caché jalousement et quand elle se laisse dévoilée, elle offre un moment de plaisir complet.
Mélodieuse, expressionniste, cristalline...Heureusement qu'elle ne peut être volée.

A écouter et à réécouter : le solo de pianos et les pianos avec un violoncelle seul. Magnifique. Pluie d'émotions et tourbillon de magie.


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