9 et 10 juin 2011 : ESCAICH, Scherzo
fantasque
Eric Le Sage et Frank Braley, piano
Pascal Rophé, direction
Orchestre Philarmonique de Liège
Scherzo fantasque est une
oeuvre pour deux pianos et orchestre qui s'apparente à un concerto
pour deux pianos, écrite par le compositeur liégeois Thierry
Escaich, lequel est aussi organiste, improvisateur et professeur au
conservatoire supérieur de Paris, sans oublier ses deux nominations
aux victoires de la musique. Contrairement à un concerto, dans le
scherzo fantasque, les pianos ne sont pas des solistes mais bien des
instruments faisant partie de l'orchestre. Par ailleurs, ce n'est par
un scherzo à proprement parler : la forme de cette pièce fait
plutôt référence à un thème et variations.
Le concert était
fantastique. Le public était nombreux et a généreusement
applaudit. Le compositeur est monté alors sur la scène sous un
tonnerre de félicitations, d'acclamations et d'ovations. Le sourire
sur son visage parlait à lui tout seul ; pour cette première,
l'oeuvre a été immédiatement appréciée par le public et
certainement la par critique musicale professionnelle. Pour couronner
le tout, le chef d'orchestre a décidé de rejouer la pièce une
seconde fois, sur une demande tacite de la salle qui n'était pas
difficile à deviner. Les artistes n'ont pas cessé de saluer après
ce bis improvisé. C'est avec un petit pincement au coeur que les
spectateurs se lèvent lorsque les lumières se rallument sur des
visages illuminés qui ont passés une soirée exceptionnelle. Ceux
qui auraient eu envie de prolonger leur soirée se seraient rendus au
foyer pour peut-être avoir la chance de rencontrer et discuter avec
les artistes...
J'ai eu la chance
d'assister à la présentation de l'oeuvre la veille du concert.
Appelées Dessous des quartes,
ces séances commentées comprenant écoutes, analyses, explications,
parallèles avec d'autres oeuvres, et parfois des supports vidéos,
n'attirent pas beaucoup de monde alors que ces fins d'après-midi
musicaux sont gratuits pour tout le monde, ce qui m'étonne à chaque
fois. Les deux pianistes étaient présents et je les remercie
vivement car généralement les solistes (trop) connus refusent de
jouer pour ce genre de concert. En effet, ils écoutent plus qu'ils
ne jouent et ils doivent jouer les extraits représentatifs de
l'explication ; ce qui n'est pas toujours aussi évident qu'on
s'imagine. Je me demande de plus si ils sont payés étant donné que
le spectateur, lui, ne paie pas.
C'était
le compositeur en personne qui commentait sa propre oeuvre. Suivant
les caractères de chacun, c'est plutôt positif ou plutôt négatif.
Thierry Escaich est éloquent, il parle animé par sa passion et il
connait mieux que personne la partition : il est la personne la mieux
placée pour l'expliquer.
J'ai
appris énormément de choses grâce à son exposé.
Tout
d'abord la structure du morceau. Comme je l'ai dit plus haut ce
scherzo fantasque a la forme d' un thème et variations. Le thème
est une mélodie simple, presque enfantine, qui se retient
facilement. Pour briser cette apparente forme classique, ne pas
imiter Beethoven en autres, le thème n'est pas donné d'emblée. Le
morceau commence par une introduction, en fait l'ombre du thème joué
par les cordes : ce sont les bons intervalles mais le rythme n'y est
pas et la hauteur est différente. Très lent et piano, l'oreille
avertie reconnais cette mélodie déformée. Viennent ensuite les
variations. Escaich distingue trois types de variations : variation
rythmique, d'ambiance et d'intervalles. Ensuite au niveau
polyphonique : la sonorité est différente de ce que j'ai l'habitude
d'entendre tant en musique classique que contemporaine. Je tiens à
dire que je désire vivre ancrée dans ma propre époque en
m'inspirant du passé. Cela peut paraître contradictoire mais assez
logique en même temps.
C'est
pourquoi je m'intéresse à la musique contemporaine, qui chez moi
comprend Messiaen. Je n'aime pas toujours mais la plupart de temps je
fais des découvertes intéressante comme aujourd'hui.
Le
compositeur m'a fait sourire quand pour illustrer ces propos, il se
contorsionne pour jouer au piano, puis Frank Braley qui se lève pour
céder sa place mais celui-ci refuse et puis par après accepte. Ou
alors, toujours au piano, il manque de doigts et c'est Frank Braley
lui-même qui joue la fin de la phrase pour lui venir en aide. Enfin,
Escaich qui dit qu'il n'est pas capable de jouer sa propre
composition, admettant ainsi qu'elle est très difficile à jouer.
La
pièce commence par l'introduction. Pour reprendre les mots du
compositeur, c'est l'ombre de la mélodie. Dès les premières notes,
je suis transportée au coeur de l'oeuvre. J'y resterai immergée
jusqu'à la fin. Aucun besoin de sortir la tête pour prendre de
l'air. J'oublie tout et me laisse voguer sur les sons...
Après
résonne la mélodie-thème. Elle est jouée par les flûtes et le
célesta. Le compositeur a parfaitement bien choisi ces deux
instruments pour jouer une mélodie magique. J'aime beaucoup la
sonorité du célesta, instrument à percussions qui ressemble au
piano par sa forme et au glockenspiel par sa mécanique, mais on ne
peut le comparer à proprement parler à ces deux autres instruments
car le célesta est unique. Rien ne reproduit mieux l'eau
ruisselante, les clochettes ou le vent. Je suis de plus ravie de
remarquer que le célesta, depuis Tchaikovski et Casse Noisette, est
présent dans de plus en plus d'oeuvres pour orchestre.
Le
thème tourne sur lui-même, un peu comme un carrousel. Le deuxième
piano reprend le thème qui ensuite voyage dans tous l'orchestre,
suivant un mouvement circulaire et se déforme peu à peu pour
laisser place aux différentes variations.
Toutes
sont différentes et glissent l'une sur l'autre, se chevauchant
presque. Il faut oublier Haendel et ses thème et variations
clairement délimitées. Le travail d'un bon compositeur est de
passer de l'un à l'autre via une transition qui se fond dans la
pièce pour ne pas arrêter la musique.
Ensuite,
tout s'enflamme ; le souffle nouveau est insufflé par les pianos
comme un moteur pour la musique. Et hop, le spectateur est emporté
par ce tourbillon de sons....
…
Jusqu'à cette dernière note. Elle arrive comme elle doit arriver.
Elle tombe d'un coup. Elle n'est pas tenue. Elle s'échappe dans la
salle.
Enfin,
on entend plus rien. La musique s'est évanouie dans l'air, ne
laissant que des souvenirs dans les oreilles et les têtes.
Pourtant,
rien n'est terminé. Aussitôt s'élève des bruits de mains qui
s'entrechoquent : une pluie d'applaudissements tombe, venant de
toutes les directions, s'adressant droit aux artistes du soir.
Le
premier mot que j'ai prononcé à la fin du concert est « terrible »,
pris dans le sens laudatif du terme.
La
difficulté est présente partout. Premièrement rythmiquement : le
chef d'orchestre et plus généralement tous les musiciens ont fourni
un travail pénible et exigent. La mesure de base est asymétrique :
8/8, 3+3+2. La mélodie prend ensuite appuis sur ce dernier temps
« écourté » et la mesure se transforme peu à peu en
une mesure binaire : 3\4 pendant quelques mesures (je ne suis pas
capable de dire combien, en tout cas mois de cinq) pour ensuite
rechanger ; et c'est ainsi pendant tout le morceau. Deuxièmement
techniquement : les cordes frottées doivent jouer des grands
intervalles comme des dixièmes, onzièmes et douzièmes
régulièrement. Quant aux pianos, bien qu'ils ne soient pas
solistes, il ne faut pas moins de technique pour réussir à jouer la
partition, précisons qui a été écrite pour Eric Le Sage qui a
demandé de la jouer avec Frank Braley.
Scherzo fantasque
est donc une oeuvre de musique contemporaine qui mérite d'être
jouée et rejouée partout dans le monde, ou du moins en Europe.
Poulenc, concerto pour deux pianos.
Frank Braley et Eric Le
Sage, piano
Pascal Rophe, direction
Orchestre philarmonique
de Liège
Cette pièce est sublime.
Nous retrouvons une fois encore la poésie de Francis Poulenc dans ce
concerto qui peut être pris comme un divertissement. Dans une
atmosphère intime, reflétée par un orchestre réduit, la
simplicité est maitresse.
Petite perle précieuse
ou diamant de cristal de la musique est cette oeuvre imprégnée de
magie.
Composé en 1932, ce
concerto est un mélange de plusieurs influences : du classique comme
Strauss ou Mozart, du jazz, de la musique contemporaine et musique
française.
La virtuosité est sans
conteste indispensable pour jouer ce concerto mais la principale
difficulté est de cacher cette virtuosité. La musique de Poulenc
est une musique qui apparaît simple et qui ne doit pas être
exhibée. Elle se mérite. Elle est caché jalousement et quand elle
se laisse dévoilée, elle offre un moment de plaisir complet.
Mélodieuse,
expressionniste, cristalline...Heureusement qu'elle ne peut être
volée.
A écouter et à
réécouter : le solo de pianos et les pianos avec un violoncelle
seul. Magnifique. Pluie d'émotions et tourbillon de magie.
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