Menu horizontal

samedi 22 juin 2013

TFE : La musique est-elle un langage universel?

Lire l'article >>
Il est de tradition qu'en fin de rhétorique, les élèves réalisent un travail de fin d'étude (TFE). Dans mon école, ce sont les professeurs de cours philosophiques qui sont chargés de superviser le déroulement de cette tâche d'une ampleur assez importante.
La consigne (reformulée) était la suivante. Traiter un sujet au choix aboutissant à une ou plusieurs questions philosophiques. Le travail devra comporter une trentaine de pages et être correctement rédigé et présenté. Les points obtenus feront office de note d'examen. Une présentation orale sera aussi envisageable, bien que facultative et sur base volontaire. La défense constituera alors un bonus ajouté à la cote finale.

Le titre final que j'ai choisi pour mon travail est la question : La musique est-elle un langage universel ?

Ce TFE m'a demandé beaucoup d'heures de recherche, de travail et de réflexion. Je m'y suis beaucoup impliquée et j'ai les sentiment qu'aujourd'hui je maîtrise plutôt bien mon sujet même si je suis loin d'avoir fait tout le tour de la question.

Le but ici n'est pas de donner une copie de ce travail ; cela tenterait trop les plus malhonnêtes de s'en inspirer pour un éventuel devoir. Vous trouverez seulement l'introduction, une synthèse du corps du TFE et la conclusion. La bibliographie (et webographie) y a aussi été ajoutée pour ceux qui seraient intéressés par le sujet.
Par ailleurs, un ouvrage que je recommande vivement est La musique, Anthologie littéraire et philosophique de VIVES V. paru chez Libella. Ce livre est une vraie mine d'or, les textes sont extrêmement bien choisis, et pertinents. Si vous êtes juste une peu curieux sur le sujet, jetez-y un coup d'oeil, ça en veut la peine.

Cet article peut en fait être considéré comme une porte ouverte vers une réflexion philosophique. Un petit moment pour se poser et penser librement.


INTRODUCTION


« La musique est un langage universel ». Voilà une phrase que l'on entend souvent et qui est presque communément acceptée. La plupart des gens ne pense pas à remettre cette assertion en question et ne s'interroge pas sur son bien-fondé, si bien qu'elle est devenue pour beaucoup de personnes une vérité admise. Pourtant, qu'est-ce qui nous permet d'affirmer cela? Pourquoi la musique est-elle considérée comme un langage? Comment ce denier peut-il être universel? C'est ce que nous essaierons de mettre en évidence dans ce travail.

Avant de continuer plus loin, nous allons définir les mots intervenant dans la question du titre. Le dictionnaire Le petit Larousse illustré donne la définition suivante pour le terme « musique » : « art de combiner les sons ; ensemble des production de cet art. » Bien que cette définition ne soit pas incorrecte, nous constaterons plus tard qu'elle est l'objet de nombreux débats parmi les amateurs de musique. En outre, le langage est défini comme « la faculté propre à l'homme d'exprimer et de communiquer sa pensée au moyen d'un système de signes vocaux ou graphiques ; ce système. » Il sera donc question des liens entre la musique et le langage. Enfin, toujours d'après le dictionnaire Le petit Larousse illustré, est universel ce qui « s'étend, convient à tout ou à tous ». Nous envisagerons donc finalement l'universalité ou non du langage musical.
Depuis toujours, nous sommes passionnés par le langage, les différentes formes que celui-ci peut prendre et les significations qu'il peut revêtir. En effet, il existe mille et une façons d'exprimer une simple idée, que se soit dans l'outil de communication choisi (la parole, les mots, les gestes, le corps …) ou bien la manière de l'utiliser (la prose, les vers, les images …) Ainsi, nous trouvons que chercher à comprendre la raison de la présence d'un procédé de communication ou d'un autre est semblable à un jeu de décodage d'énigmes, ce qui est passionnant. En outre, nous sommes sensibles à la musique parce que nous l'avons étudiée pendant sept ans et nous continuons par ailleurs toujours d'en jouer. Nous avons donc voulu assembler ces deux thèmes initiaux qui nous intéressaient particulièrement et nous avons alors abouti à ce sujet-même présenté sous la forme de la question suivante « la musique est-elle un langage universel? ».

Cette question nous permettra d'aborder des notions vues au cours de morale cette année : l'épistémologie et l'esthétique, deux branches de la philosophie qui interviennent dans notre sujet. En effet, la première s'interroge sur les sciences et sur les connaissances en général. La musique fait bien partie de son champ d'étude car elle a longtemps été associée aux sciences et l'est même toujours aujourd'hui pour certains ; la discipline scientifique qui y est consacrée se nomme l'acoustique. Ensuite, la deuxième s'intéresse à l'art, à sa perception, ses sens et à la notion de beau s'y rapportant. Il se sera question dans ce travail de la musique, considérée comme un art, de la façon dont celle-ci est perçue et du sens qui lui est attribué. Enfin, ce travail nous demandera de bâtir un raisonnement logique, suivant une progression dans les idées. De plus, il faut que notre développement soit construit de façon cohérente, utilisant l'argumentation illustrée par des exemples. Ce sont bien là des compétences travaillées au cours de morale et essentielles dans la pensé philosophique.

Le présent travail comporte deux parties. La première est consacrée à l'étude de la musique. Notre attention se portera plus particulièrement aux formes sous lesquelles elle était présente à différentes époques et aux significations qui lui étaient attribuées à ces mêmes périodes. Le sujet de ce travail n'étant pas l'histoire de la musique ni l'écriture et l'analyse musicale, nous réduirons les passages relatifs à ces deux aspects de la musique, au risque de trop simplifier la matière mais dans le but de laisser le contenu de ce travail accessible à tout lecteur quel qu'il soit. Nous la complèterons ensuite avec des analyses de discours de compositeurs sur la musique. La seconde partie quant à elle sera orientée vers le côté philosophique de la question et nous envisagerons pour cela des textes de philosophes afin de dégager les différentes réflexions déjà émises sur ce sujet.



SYNTHESE


Au Moyen Age, la musique était uniquement chantée, monodique et à sujets religieux. Ensuite, celle-ci se complexifie et ses sujets varient. Cette évolution continue jusqu'à la Renaissance où elle est désormais polyphonique et chante également des textes profanes. Durant ces deux périodes, la musique est associée aux sciences.

Puis vient l'époque baroque. La musique pure, instrumentale et libérée d'une circonstance particulière, fait son apparition de même que l'expressivité dans cette dernière. Du côté philosophique, la mentalité typiquement médiévale côtoie celle classique. (cf. Rameau et Rousseau)
Le maître-mot du classicisme, la période suivante, est « règles ». Tout en musique est soumis à des codifications et à des conventions. La musique est alors considérée comme une langue exprimant des idées et elle plait en outre à tous.

Au classicisme succède le romantisme, époque la plus riche aussi bien en composition musicale qu'en écriture philosophique sur cette dernière. La caractéristique principale du romantisme est la présence des sentiments et de l'expression dans les œuvres. C'est aussi l'âge à partir duquel la musique est considérée en elle-même comme musique et qu'on ne cherche plus à la relier à d'autres disciplines. Puis, on pense qu'elle est une langue qui s'adresse à tous mais chacun la comprend de sa propre manière.

Enfin, nous arrivons à l'époque contemporaine aussi appelée la Modernité. Celle-ci se caractérise par une toute nouvelle conception de l'écriture musicale, la tonalité est entre autre rejetée. Si la pensée romantique de la musique est toujours d'actualité, la notion du discours sur la musique, lequel est impossible, a été ajoutée.



CONCLUSION


En commençant ce travail, nous étions persuadés que la musique n'était pas un langage universel. Comment une chose créée par l'homme, qui de plus s'apprend et s'étudie pourrait-elle être commune à tout être humain, nous demandions-nous. Nous poursuivions ensuite en disant que la musique est basée sur des conventions culturelles propre à une société.
Il suffit en effet de comparer notre musique occidentale à des formes de musique asiatique, par exemple, pour se rendre compte qu'elles sont toutes les deux très différentes l'une de l'autre et que les sons qui les composent sont leur seul point commun. En outre, lorsque nous faisons écouter de la musique traditionnelle indienne à un Européen, celui-ci s'ennuie après seulement trente secondes : ce comportement révèle son incompréhension. Cette expérience montre donc que la musique a besoin de pré-requis pour être appréciée et comprise, et qu'elle n'est donc pas un langage universel applicable à tous les hommes.
Un autre indice allant dans le sens d'une musique non universelle est cette histoire assez célèbre qui a été rapportée par un voyageur d'Afrique. Un Européen ayant écouté un musicien africain jouer un air sur sa flûte essaie de la reproduire. Alors qu'il trouvait l'exercice difficile au début, il arrive finalement à déterminer les hauteurs des sons qu'il a entendus et joue ce qu'il croit être la mélodie initiale. Cependant l'indigène n'est pas de cet avis et reproche à l'Européen de ne pas avoir fait attention au timbre des sons. Alors que la musique occidentale est faite de sons déterminés principalement par leur hauteur, la musique africaine, semblerait quant à elle, accorder essentiellement de l'importance au timbre des sons. La conception de musique varie donc d'une civilisation à l'autre et sans explication au-préalable, nous comprenons mal la musique d'un peuple différent.
A ceux qui ne trouvaient pas ces premiers arguments assez convaincants, nous leur montrions une partition de musique « classique » occidentale et nous leur demandions de la lire. S'ils connaissaient le code qui permet d'écrire la musique, ils réussissaient la tâche demandée sans aucune difficulté. Par contre, lorsque dans un second temps nous leur soumettions une partition datant du Moyen Age, ces personnes étaient incapables de déchiffrer ce qu'ils avant devant leurs yeux. La lecture de la musique demande donc un apprentissage et cette faculté, non innée, ne peut donc pas s'appliquer à tous les hommes.
A cette époque nous pensions avoir cerné la question. Nous avions envisagé la façon dont la musique est écoutée et perçue, dont elle est produite et puis finalement la façon dont elle est écrite et lue.

Pourtant, en réalisant ce travail sur le langage musical, notre opinion sur le sujet a évolué. Notre position n'est plus aussi ferme qu'auparavant. Lire les points de vue de différents artistes et philosophes sur cette question nous a permis de prendre connaissance de nouveaux arguments auxquels nous n'avions pas pensé et de réfléchir plus longuement sur les diverses opinions existantes. Confronter les idées de chacun, les rapprocher et les comparer nous a obligés à repenser et à réévaluer notre position initiale. Ensuite, reformuler les informations, les organiser et les critiquer ont été des moyens pour nous assurer de les avoir bien comprises. Enfin, ce travail nous a permis d'exercer notre esprit d'analyse et notre esprit critique.

A l'issue de ce travail nous trouvons que la musique possède un caractère universel.
En effet, elle est présente dans toutes les cultures, partout, elle mobilise les sens de l'audition et de la vue et elle remplit un rôle de communication entre les hommes.
En outre, d'un point de vue strictement physiologique, les mécanismes de création, de reconnaissance et d'interprétation de la musique sont similaires d'une personne à l'autre même si elles sont issues de cultures différentes. Les sons sont tout d'abord entendus, captés par les oreilles, puis transmis au cerveau qui traduit enfin l'information reçue. Ce processus est commun à l'espèce humaine et cela n'étonne normalement personne d'apprendre que le cerveau d'un homme est anatomiquement identique à celui d'un autre homme, de même que toutes oreilles humaines fonctionnent rigoureusement de la même façon.
La musique, qu'elle soit américaine, chinoise ou française reste toujours de la musique et son principe est le même : elle est une création humaine, composée de sons et vise à porter un message. C'est en cela que la musique est un langage universel : elle diffuse des informations (elle raconte une histoire, elle nous fait danser, elle nous fait rêver ou pleurer …) et son mode de fonctionnement est utilisé par tous les hommes.

Néanmoins, ceux qui se réjouiraient d'avoir trouvé la langue universelle utilisée et comprise par tous et qui voudraient utiliser la musique pour discuter avec des personnes originaires du monde entier risqueront d'être déçus. En effet, nous avons bien dit jusqu'à présent que la musique était universelle mais si nous y sommes tous sensibles, c'est parce qu'elle nous est instinctive.
La musique, contrairement aux mots et à la parole, ne désigne ou ne représente aucun objet précis ; elle crée des sensations et des sentiments, elle parle à notre imagination et demande à être interprétée. Pour que les mots désignent un objet ou une pensée déterminée, il a fallu que leurs sens aient été fixés au préalable. Ainsi, dès la petite enfance, nous apprenons à parler et associons le mot « mer » avec la grande étendue d'eau que nous voyons. Pour que la musique puisse être utilisée comme une langue internationale, il faudrait aussi qu'on établisse un code pour qu'une quinte juste signifie par exemple « joie ». Des compositeurs ont déjà écrit des œuvres suivant des règles sémantiques se basant sur ce même principe. Mais dans ce cas-là, l'écoute d'une telle œuvre nécessite une étude des codes utilisés, tout comme nous étudions du vocabulaire spécifique avant de lire un texte dans une langue étrangère. Cette musique qui signifierait des mots précis n'est donc plus universelle puisque n'importe qui n'est plus capable de la comprendre.
Ainsi, la musique est un langage universel mais ce langage ne « dit » rien, il se laisse juste interpréter, laissant de la place à l'expérience de chacun, à sa sensibilité et à son imagination.


BIBLIOGRAPHIE


  1. dictionnaire Le petit Larousse illustré, Paris, Larousse, 2003
  2. ACCAOUI C., Les mots, les sons, la musique in Kairos, n°21, 2003, pp 137- 152
  3. ADORNO T.W., Quasi una fantasia, Paris Gallimard, 1982
  4. ASTOR D., Friedrich Nietzsche et la musique, La Clé des Langues (Lyon: ENS LYON/ DGESCO) , 07/2009
    URL : http://cle.ens-lyon.fr/allemand/friedrich-nietzsche-et-la-musique-71642.
  5. BOUCOURECHLIEV A., Le langage musical, Paris, Fayard, 1993
  6. CHABANON M.P.G., La musique considérée en elle-même et dans ses rapports avec la parole, les langues, la poésie et le théâtre, Paris, Pissot Libraire, 1785
  7. Collectif, Philosophie et musique, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2003
  8. DANIELOU A., Sémantique musicale, Paris, Hermann, 1978
  9. NIETZCHE F., Œuvres philosophiques complètes, Edition établie par COLLI G. et MONTARINI M., Paris, Gallimard, 1997
  10. NIETZSCHE, Correspondances, Monaco, Editions du Rocher, 1957, traduction de L. Servicen
  11. PIGUET J.-C., Philosophie et musique, Chêne-Bourg (Suisse), Georg Editeur, 1996
  12. RAMEAU J.-P., Observations sur notre instinct pour la musique et sur son principe , Gallica, Bibliothèque Nationale de France (édition électronique : http://gallica.bnf.fr/ark:/ 12148/btv1b86232867)
  13. RAMEAU J.-P., Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels, Gallica, Bibliothèque Nationale de France ( édition électronique : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86232459 )
  14. ROULEAU J., La musique, un langage universel? in Scène 1425, 2011, 6 mars
    URL : http://www.scene1425.com/fr/magazine/la-musique-un-langage-universel
  15. ROUSSEAU J.-J., Essai sur l'origine des langues in Œuvres, Paris, Belin, 1817 (édition électronique : http://classiques.uqac.ca/classiques/Rousseau_jj/essai_origine_des_langues/ origine_des_langues.pdf )
  16. VALLESPIR M., Langage et musique : approches sémiotiques in Littérature et musique, URL : http://www.fabula.org/colloques/document1274.php
  17. VIVES V., La musique, Anthologie littéraire et philosophique, Paris, Libella, 2011

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Sauf mention contraire tous les articles sont rédigés par Lectorrima. Tous droits réservés. Fourni par Blogger .