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lundi 10 décembre 2012

Anna Karenina

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Anna Karenina

Un film de Joe Wright
Production : France/Grande-Bretagne, 2012
Avec Keira Knightley, Jude Law, Aaron Taylor-Johnson, Kelly MacDonald, Matthew MacFadyen

Qui d'autre que Joe Wright (Orgueil et Préjugés, Reviens-moi) pouvais nous offrir une nouvelle version revigorante du classique de Tolstoï porté tant de fois à l'écran? Renouvelant la forme, gardant la puissance émotionnelle du fond, il porte son actrice fétiche, Keira Knightley à son point d'incandescence, incarnant une Anna dévorée par une passion puis la honte.

Deux personnes tombent follement amoureuses et croient que nul ne le remarque puisqu'elles ne voient que leur bien-aimé(e). Mais l'intensité érotique qu'elles dégagent ne peut passer inaperçue, mettent sens dessus dessous l'ordre « naturel » des choses et déliant les mauvaises langues, car la passion ravage une femme de la haute société, mariée à un juge fade et ennuyeux, et qu'elle s'éprend d'un « simple » soldat.
Passion tellement visible qu'elle pourrait bien se dérouler sur...une scène de théâtre.
Dans cette nouvelle adaptation intelligente d'Anna Karénine, le monde entier est un théâtre dont les ornements figurent tantôt Saint-Pétersbourg, tantôt Moscou. Cette stratégie de Wright de figurer la plupart des actions sur une monumentale scène, si elle déroute au début, se révèle brillant et audacieuse, n'entravant en rien le tempo furieux et donnant un air de grand opéra à l'ensemble, avec des émotions qui se déploient majestueusement et des acteurs susceptibles d'esquisser un pas de dance.
Anna est mariée depuis huit ans au juge Alexis Karénine (un Jude Law dégarni et bien pensant), un homme respectable, qu'elle apprécie et avec qui elle a un fils, Serge. Elle est séduite par un jeune et bel officier de cavalerie, Vronsky, et les deux tombent instantanément, irrémédiablement, passionnément et désespérément amoureux...
Cette Anna est la parabole moderne de la fulgurance du scandale. La noblesse russe de l'époque n'a pas besoin de tweets ou de sms pour répandre la nouvelle de l'adultère passionné : chuchotements et sourcils froncés font très bien passer le message...
Le roman a été filmé au moins une bonne douzaine de fois. Greta Garbon et Vivien Leigh, deux des actrices les plus incandescentes de l'âge d'or d'Hollywood, auraient dû être une rude compétition pour Keira Knightley, si elle avait joué le même genre d'Anna. Mais Guidée par Wright, qui l'avait déjà dirigée dans Orgueil et Préjugés et Reviens-moi, Knightley incarne Anna comme une femme qui n'aurait jamais ressenti de passion érotique ; une fois éprise, elle est portée par une extase sensuelle avant de dégringoler dans les abysses de la honte. C'est une performance sacrément gonflée, au diapason des changement volcaniques qu'une créature naïve doit endurer dans son saut vers l'amour fou.

Anna Karenina

Premier jet de critique.

La musique signée par Dario Marianelli, qui avait déjà travaillé avec Joe Wright dans Orgueil et Préjugés, soutient avec brillance le film. A partir du début, le rythme de celle-ci augmente avec une intensité irrégulière, la ligne mélodique devenant répétitive, le tout créant ainsi une musique obsédante et reflétant les sentiments des deux protagonistes qui sont submergés par cette passion dont ils ne peuvent se défaire. Celle-ci atteint son sommet au moment critique du film, point où tout bascule pour la jeune héroïne, qui presque instantanément sombre dans la déchéance. A partir de là, le tempo ralentit pour accompagner la longue et terrible chute sociale que subit la pauvre Anna, alors que le même motif musical persiste tel un nuage brumeux de souvenirs. Ainsi, dans Anna Karenina, le compositeur occupe une place importante dans l'équipe technique et ses œuvres peuvent être considérées comme des acteurs supplémentaires indispensables à la cohérence et à la réussite du film tout entier.

Ce film est empreint d'un érotisme qui se perçoit dans la posture des personnages. Loin d'être grossier, cet érotisme est même porté à l'écran avec finesse et se révèle par des détails. Les expressions sur le visage de Keira Knightley et l'intincelle dans ses yeux communiquent au spectateur sa passion dévorante. De même, la position de celle-ci lorsqu'elle se tient derrière la porte frôlant le mur, entre deux pièces, ne laissant passer qu'une partie de sa tête est terriblement suggestive. Une scène entourée d'une immense beauté artistique est celle représentant les deux amants, allongés dans un lit et s'étreignant nus. La pâleur de leur peau blanche rappelle deux statues de marbre dans un style antique modelant la perfection des corps humains. Encore une fois un parallèle peut être tiré entre Anna Karénine et Orgueil et Préjugés dont personne n'a pu oublié l'impressionnante salle des sculptures du château de Pemberley, là où face à celle représentant le maître des lieux, Elizabeth Bennet (jouée par Keira Knightley également) voit pour la première fois Darcy tel qu'il est réellement et non plu troublée par ses préjugés et apriori. Enfin, le bal est l'occasion privilégiée pour créer un contact entre les deux amants, une opportunité pour rapprocher les corps avec élégance, grâce et bien-séance. Ces deux-ci se frôlant à peine, mais profitant avec délice et frissons de chaque seconde qui leur permet de s'apprivoiser.

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