Anna
Karenina
Un
film de Joe Wright
Production
: France/Grande-Bretagne, 2012
Avec
Keira Knightley, Jude Law, Aaron Taylor-Johnson, Kelly MacDonald,
Matthew MacFadyen
Qui
d'autre que Joe Wright (Orgueil et Préjugés, Reviens-moi)
pouvais nous offrir une nouvelle version revigorante du classique de
Tolstoï porté tant de fois à l'écran? Renouvelant la forme,
gardant la puissance émotionnelle du fond, il porte son actrice
fétiche, Keira Knightley à son point d'incandescence, incarnant une
Anna dévorée par une passion puis la honte.
Deux
personnes tombent follement amoureuses et croient que nul ne le
remarque puisqu'elles ne voient que leur bien-aimé(e). Mais
l'intensité érotique qu'elles dégagent ne peut passer inaperçue,
mettent sens dessus dessous l'ordre « naturel » des
choses et déliant les mauvaises langues, car la passion ravage une
femme de la haute société, mariée à un juge fade et ennuyeux, et
qu'elle s'éprend d'un « simple » soldat.
Passion
tellement visible qu'elle pourrait bien se dérouler sur...une scène
de théâtre.
Dans
cette nouvelle adaptation intelligente d'Anna Karénine,
le monde entier est un théâtre dont les ornements figurent tantôt
Saint-Pétersbourg, tantôt Moscou. Cette stratégie de Wright de
figurer la plupart des actions sur une monumentale scène, si elle
déroute au début, se révèle brillant et audacieuse, n'entravant
en rien le tempo furieux et donnant un air de grand opéra à
l'ensemble, avec des émotions qui se déploient majestueusement et
des acteurs susceptibles d'esquisser un pas de dance.
Anna
est mariée depuis huit ans au juge Alexis Karénine (un Jude Law
dégarni et bien pensant), un homme respectable, qu'elle apprécie et
avec qui elle a un fils, Serge. Elle est séduite par un jeune et bel
officier de cavalerie, Vronsky, et les deux tombent instantanément,
irrémédiablement, passionnément et désespérément amoureux...
Cette
Anna est la parabole moderne de la fulgurance du scandale. La
noblesse russe de l'époque n'a pas besoin de tweets ou de sms pour
répandre la nouvelle de l'adultère passionné : chuchotements et
sourcils froncés font très bien passer le message...
Le
roman a été filmé au moins une bonne douzaine de fois. Greta
Garbon et Vivien Leigh, deux des actrices les plus incandescentes de
l'âge d'or d'Hollywood, auraient dû être une rude compétition
pour Keira Knightley, si elle avait joué le même genre d'Anna. Mais
Guidée par Wright, qui l'avait déjà dirigée dans Orgueil
et Préjugés et Reviens-moi,
Knightley incarne Anna comme une femme qui n'aurait jamais ressenti
de passion érotique ; une fois éprise, elle est portée par une
extase sensuelle avant de dégringoler dans les abysses de la honte.
C'est une performance sacrément gonflée, au diapason des changement
volcaniques qu'une créature naïve doit endurer dans son saut vers
l'amour fou.
Anna Karenina
Premier
jet de critique.
La
musique signée par Dario Marianelli, qui avait déjà travaillé
avec Joe Wright dans Orgueil et Préjugés,
soutient avec brillance le film. A partir du début, le rythme de
celle-ci augmente avec une intensité irrégulière, la ligne
mélodique devenant répétitive, le tout créant ainsi une musique
obsédante et reflétant les sentiments des deux protagonistes qui
sont submergés par cette passion dont ils ne peuvent se défaire.
Celle-ci atteint son sommet au moment critique du film, point où
tout bascule pour la jeune héroïne, qui presque instantanément
sombre dans la déchéance. A partir de là, le tempo ralentit pour
accompagner la longue et terrible chute sociale que subit la pauvre
Anna, alors que le même motif musical persiste tel un nuage brumeux
de souvenirs. Ainsi, dans Anna Karenina,
le compositeur occupe une place importante dans l'équipe technique
et ses œuvres peuvent être considérées comme des acteurs
supplémentaires indispensables à la cohérence et à la réussite
du film tout entier.
Ce
film est empreint d'un érotisme qui se perçoit dans la posture des
personnages. Loin d'être grossier, cet érotisme est même porté à
l'écran avec finesse et se révèle par des détails. Les
expressions sur le visage de Keira Knightley et l'intincelle dans ses
yeux communiquent au spectateur sa passion dévorante. De même, la
position de celle-ci lorsqu'elle se tient derrière la porte frôlant
le mur, entre deux pièces, ne laissant passer qu'une partie de sa
tête est terriblement suggestive. Une scène entourée d'une immense
beauté artistique est celle représentant les deux amants, allongés
dans un lit et s'étreignant nus. La pâleur de leur peau blanche
rappelle deux statues de marbre dans un style antique modelant la
perfection des corps humains. Encore une fois un parallèle peut être
tiré entre Anna Karénine
et Orgueil et Préjugés
dont personne n'a pu oublié l'impressionnante salle des sculptures
du château de Pemberley, là où face à celle représentant le
maître des lieux, Elizabeth Bennet (jouée par Keira Knightley
également) voit pour la première fois Darcy tel qu'il est
réellement et non plu troublée par ses préjugés et apriori.
Enfin, le bal est l'occasion privilégiée pour créer un contact
entre les deux amants, une opportunité pour rapprocher les corps
avec élégance, grâce et bien-séance. Ces deux-ci se frôlant à
peine, mais profitant avec délice et frissons de chaque seconde qui
leur permet de s'apprivoiser.
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